Auguste Piccard, professeur de physique hors pair et passionné de ballon, utilise ses compétences aéronautiques pour effectuer certaines expériences en haute altitude. Le 21 juin 1926, il monte à 4’500 m d’altitude à bord du ballon Helvetia et confirme une partie de la théorie de la Relativité d’Einstein.
Pour étudier les rayons cosmiques, il faut aller encore plus haut. Auguste Piccard construit alors un ballon muni d’une cabine étanche, grâce auquel il est le premier homme à atteindre la stratosphère, à 15’780 m d’altitude. Le 27 mai 1931, parti d’Augsbourg en Bavière, le ballon FNRS se pose sur le glacier du Gurgl en Autriche. Le 18 août 1932, Auguste Piccard renouvelle son exploit en atteignant 16’201 m. Parti de Dübendorf en Suisse, il atterrit au bord du lac de Garde en Italie.
Après avoir conquis la stratosphère, Auguste Piccard s’intéresse aux grandes profondeurs. Il base son bathyscaphe exactement sur les mêmes principes que son ballon stratosphérique : une capsule étanche suspendue sous un flotteur. Le 26 octobre 1948, le FNRS 2 plonge pour la première fois au large de Dakar à –25 m. Après cette plongée d’essai, l’engin atteint, le 3 novembre 1948, en pilotage automatique, -1’380 m. Malheureusement, lors de sa récupération, le flotteur est endommagé et son essence perdue. L’expédition de Dakar aura démontré la justesse du principe du bathyscaphe, mais aussi la nécessité absolue d’effectuer diverses modifications pour résister à la mer. En 1949, le Fonds National de la Recherche Scientifique belge vend le sous-marin à la Marine française qui, sous les conseils d’Auguste Piccard, le transforme en FNRS 3.
De 1952 à 1953, Auguste Piccard, assisté de son fils Jacques, construit un nouveau bathyscaphe en Italie, à Trieste. Le sous-marin atteint la profondeur de 3’150 m au large de Naples le 29 septembre 1953. Il est racheté en 1958 par la Marine américaine. Une nouvelle sphère est construite. Après quelques plongées d’essai, le Trieste effectue le 23 janvier 1960, sa plongée historique par 10’914 m de profondeur, dans la fosse des Mariannes au large de Guam, avec Jacques Piccard et Don Walsh à bord. C’est le point le plus profond des océans, le record absolu.
Pour l’Exposition nationale suisse de 1964, Jacques Piccard construit le premier sous-marin touristique du monde, l’Auguste-Piccard. Après de nombreuses dissensions avec les dirigeants de l’Expo, Jacques Piccard et son équipe sont finalement débarqués du projet à quelques semaines des premiers essais. Néanmoins, le sous-marin remplit sa mission, il emmène 33’000 personnes au fond du Léman, et est l’attraction majeure de l’Exposition 64. Après beaucoup de tergiversations, l’Auguste-Piccard est vendu, en 1969, à une société américaine basée à Vancouver qui l’exploite quelques années. Le sous-marin finit sa carrière américaine en rouillant dans le port de Galveston, où il est racheté par une association qui le rapatrie en Suisse. Il sera ensuite exposé sur l’arteplage de Morat pendant l’Expo 02, comme témoin de l’Expo 64, puis au Musée des transports à Lucerne.
Dans le cadre de son programme spatial, la NASA fait appel à Jacques Piccard pour concevoir avec Grumman Corporation, un sous-marin permettant à 6 hommes de vivre en complète autonomie pendant 1 mois. L’objectif de cette mission consiste (1) à étudier le Gulf Stream, (2) à tester différents appareillages, (3) à observer comment 6 hommes peuvent vivre à long terme dans un espace clos. Du 14 juillet au 14 août 1969, le Ben-Franklin dérive dans le Gulf Stream. La mission est un succès complet et les résultats scientifiques sont innombrables. Le bilan scientifique de la mission est impressionnant : 900’000 mesures de température, de vitesse du son dans l’eau, et de salinité. 848 photographies des fonds sous-marins, 3 miles de fonds marins cartographiés. Mesure de la vitesse du courant du Gulf Stream en continu durant 30 jours. 371 heures de mesures de la luminosité ambiante à l’extérieur du sous-marin. 1100 mesures de la réverbération du son sur le fond. Les comportements des hommes d’équipage sont étudiés par le menu, et les milliers d’analyses sont dûment répertoriés.
Dans ses bagages, le Ben-Franklin ramène 65’000 photographies prises par les caméras automatiques à l’intérieur du sous-marin. Une aubaine pour les psychologues de la NASA : Les activités de chaque homme sont notées par tranche de 2 minutes, durant les 30 jours de la mission. Des milliers de données techniques sont également recueillies notamment sur les systèmes permettant la vie d’équipage en milieu confiné. Finalement, de nombreuses observations du comportement des animaux marins dans leur milieu viennent compléter la moisson de résultats obtenus par le Ben-Franklin.
Il y a de multiples façons de présenter le premier tour du monde en ballon sans escale effectué par l’équipe du Breiltling Orbiter 3 en mars 1999 : sportif, historique, technologique, humain, ou encore philosophique. C’est l’ensemble de ces facettes différentes qui ont enthousiasmé Bertrand Piccard car elles contiennent tous les ingrédients nécessaires pour construire une grande épopée, et en expliquent à la fois l’intérêt et le succès.
A l’origine, il s’agit d’un rêve que peut être amené à caresser tout pilote de ballon passionné par son sport : réaliser le vol ultime, le plus long et le plus passionnant, le tour complet de la terre.
Ce rêve à la Jules Verne fût ébauché par de nombreux aéronautes, la première tentative datant de 1981, et devint ainsi une véritable compétition dès le début des années 90. La fédération aéronautique internationale en édicta les règles : faire un vol de plus de 25000 km qui franchirait tous les méridiens, en restant à l’extérieur de deux calottes de 3’335,85 km de rayon posées chacune sur un pôle.
Le public et les médias y virent la dernière grande aventure du siècle.
Au moment où Bertrand Piccard commençait à mettre sur pied le projet Breitling Orbiter, le ballon qui avait volé le plus longtemps n’avait tenu l’air que 6 jours, alors que les météorologues recommandaient une autonomie de 3 semaines. Il fallait construire une enveloppe monstrueuse, haute de 55 mètres, recouverte d’une couche d’isolation thermique, ainsi qu’une cabine pressurisée permettant à un équipage de survivre à des altitudes de 10 000 à 12 000 mètres où soufflent les jet-streams.
Bertrand Piccard était bien sûr motivé par les défis exposés précédemment, mais un autre aspect le fascinait encore davantage : le côté symbolique de cette expérience. L’évolution de la la science ces deux derniers siècles avait permis des bonds prodigieux, mais la plupart des inventions étaient destinées à permettre à l’homme de mieux contrôler les forces de la nature.
Dans le cas du ballon, les pilotes devaient s’en remettre aux éléments en acceptant de se laisser pousser par les courants aériens. Il faut bien comprendre qu’un ballon est transporté par le vent, à la même vitesse et dans la même direction que celui-ci. La technologie ultra sophistiquée qu’il fallait développer avait comme seul but de mieux comprendre l’atmosphère, de mieux jouer avec elle, en résumé, de conclure une alliance avec la nature.
Après l’échec de tous ses concurrents, le Breitling Orbiter 3 décolla finalement le 1er mars 1999, de Châteaux d’Oex, dans les Alpes suisses. Le 20 mars, le Breitling Orbiter 3 franchissait à 200km/h le dernier méridien de leur rêve et atterrissait le lendemain en Egypte et dans les livres d’histoire, avec le vol le plus long en distance et en durée de toute l’histoire de l’aviation. Mais plus important encore que tout cela, Bertrand et Brian revenaient avec la sensation d’avoir pu nouer avec notre planète une relation différente, plus intime, plus respectueuse.
A la tête du projet Solar Impulse, Bertrand Piccard, associé à André Borschberg, s’élance dans le sillage des grands pionniers, un siècle après la traversée héroïque de la Manche par Louis Blériot. Aux commandes de cet immense avion solaire, dont l’élaboration a nécesité cinq ans de travail et d’importantes innovations, il envisage d’accomplir en 2012 un nouveau tour du monde… L’exploit compte désormais moins que le message, visant à promouvoir le développement durable et l’efficacité énergétique.